La présidente et les anciens présidents remettent le jeton de vermeil 2022 à M. Christof Boehringer. Catherine Grandjean prononce l’éloge du récipiendaire.
« Christof Boehringer est un des plus éminents numismates de notre temps. Formé aux universités de Berlin et de Munich, il a mené ensuite toute sa carrière à l’université de Göttingen. Conservateur emblématique de son médailler, il y a dispensé aussi des cours et des séminaires de numismatique et d’archéologie classique à des générations d’étudiants allemands et étrangers. Zur Chronologie Mittelhellenisticher Münzserien 220-160, publié en 1972 à partir de sa thèse de doctorat, est son livre le plus fameux. Il a permis de beaucoup préciser nos connaissances sur la chronologie des émissions frappées entre l’accession au trône d’Antiochos III et les suites de la Troisième guerre de Macédoine. Christof Boehringer y a mis l’accent sur le témoignage de trésors, souvent jusqu’ alors inédits, les utilisant notamment pour argumenter en faveur de la chronologie basse du monnayage stéphanéphore d’Athènes qu’il associait justement à la montée en puissance de Délos. Son œuvre comprend aussi la publication de la collection Eric von Post à Stockholm et celle des monnaies de Sicile de la collection Dewing.
Il a écrit de nombreux articles consacrés à la numismatique de Grèce continentale et insulaire et, aussi, à celle du monde colonial occidental. Car, comme son père, Erich Boehringer, auteur en 1929 du corpus par coins du monnayage de Syracuse, ouvrage pionnier en la matière, Christof Boehringer s’intéresse plus particulièrement aux monnayages de Sicile auxquels il a consacré près de 40 articles. Christof Boehringer a publié aussi bon nombre de contributions consacrées aux collections antiques de l’université de Göttingen, notamment à la plastique grecque, et aussi des comptes-rendus d’ouvrages dans diverses revues.
Il présida l’important centre de numismatique de Naples de 1986 à 2002, organisant dans ce cadre de nombreuses manifestations consacrées aux monnayages de Grande-Grèce et de Sicile. Il a d’ailleurs publié tout récemment dans notre revue un bel article sur le monnayage de Rhégion.
Bourreau de travail, doté d’un esprit de synthèse qui lui permet d’avancer des hypothèses audacieuses, Christof Boehringer est de ceux qui, en bousculant parfois les idées reçues, font progresser notre discipline. Je pense par exemple à la chronologie basse des séries péloponnésiennes qu’il a présentée à Athènes à la fin des années 80 en la fondant sur le témoignage des trésors. Ce fut comme un coup de tonnerre dans le ciel des idées reçues sur les conséquences monétaires de la guerre d’Achaïe. Elle fut âprement contestée avant de s’imposer peu à peu.
Christof Boehringer est aussi un professeur inspirant, qui sait être à la fois rigoureux et chaleureux avec les plus jeunes. Je me souviens de ma terreur initiale mêlée finalement de contentement, lorsque, lors de ma soutenance d’HDR, il commença par indiquer qu’il avait vérifié toutes les liaisons de coins de mon mémoire inédit, avant de conclure qu’elles étaient justes. Je me souviens aussi de sa participation active, dans la bonne humeur, à la recherche que nous menions à Berlin, Aliki Moustaka et moi, sur le trésor de Caserta, avec Bernhard Weisser.
Membre honoraire de la Royal Numismatic Society et titulaire de la médaille Huntington de l’American Numismatic Society, Christof Boehringer a entretenu une longue amitié avec Georges Le Rider. Invité par lui à participer à la cérémonie de remise de son épée d’académicien, il y prononça un beau discours en français. François de Callataÿ me rappelait récemment combien G. Le Rider admirait le travail de Christof Boehringer. Francophile passionné, vous dites, cher Christof, que c’est parce que vous êtes né un 14 juillet, vous avez accepté avec un plaisir non dissimulé de recevoir le jeton de vermeil de la SfN. Nous en sommes tous très heureux, car vous nous donnez la satisfaction d’honorer un très grand savant, dont la méthode et l’œuvre marquantes inspirent depuis longtemps les travaux de nombreux collègues, en Allemagne et ailleurs dans le monde. Nous nous en réjouissons aussi parce que nous honorons un grand Européen polyglotte et un homme de bonne compagnie, très apprécié de la communauté internationale. Je n’ai qu’un regret. Que l’état de santé de votre épouse Ursula ne lui ait pas donné la possibilité de se joindre à nous aujourd’hui et de profiter avec vous d’un week-end à Paris, cette ville que tous deux aimez tant. »
La présidente remet le jeton de vermeil 2021 à M. Bernhard Woytek. Auparavant, M. Arnaud Suspène a prononcé l’éloge du récipiendaire.
« Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les membres de la Société française de Numismatique, chers amis,
Le collège des trois derniers anciens présidents a souhaité honorer du jeton de vermeil de notre société Monsieur Bernhard Woytek, de l’Académie des Sciences d’Autriche, et m’a fait l’honneur de me demander quelques mots de présentation. Présenter Bernhard Woytek est une tâche à la fois facile et difficile. Facile parce que Bernhard est connu de tous ceux qui s’intéressent à la numismatique et à l’histoire ancienne. Difficile parce que son activité et sa production scientifiques sont si riches qu’on ne sait par où commencer, ni surtout où s’arrêter. Je me bornerai donc à mettre quelques points en avant dans ce parcours exceptionnel, sans trop choisir, car à vrai dire, on pourrait insister sur bien des choses.
B. Woytek, le numismate.
L’essentiel bien sûr est de rappeler l’oeuvre numismatique de Bernhard Woytek. Bien que jeune encore, puisqu’il n’a pas achevé son dixième lustre, Bernhard a déjà donné à la communauté numismatique deux opera magna, maxima même : Arma et Nummi en 2003, livre où il revisite non seulement le monnayage romain des années 49 à 42 avant notre ère mais aussi toute l’histoire financière de Rome à cette période, en mobilisant aussi bien les sources numismatiques que les inscriptions ou les textes littéraires, et ces derniers jusque dans le détail des manuscrits ; puis en 2010, DieReichsprägung Des Kaisers Traianus, ouvrage qui remet en ordre tout le monnayage, si complexe et si délicat à dater, de l’optimus princeps. Ces deux livres sont issus de la thèse et de l’habilitation à diriger des recherches de Bernhard Woytek, et il est rare que des travaux académiques deviennent ainsi, d’emblée, des classiques de la discipline.
Pour autant, ces deux ouvrages ne sont que la partie émergée de l’iceberg. B. Woytek c’est aussi une foule d’articles dans les meilleures revues : notre Revue numismatique bien sûr, où il a publié trois longues contributions en 2008, 2014 et 2017 ; mais aussi la Revue belge de numismatique (3 articles), la Numismatische Zeitschrift (8 articles) et la Numismatic Chronicle (14 contributions !). Bernhard publie également dans les périodiques d’histoire ancienne les mieux installés, et je citerai simplement les quatre articles donnés à la prestigieuse revue allemande Chiron. Ce n’est là qu’un aperçu des articles de Bernhard ; et il faudrait encore ajouter à ce bilan les ouvrages qu’il a dirigés, comme l’admirable Infrastructure and Distribution in Ancient Economies, publié en 2019.
On ne peut qu’être impressionné par la variété des sujets traités, qui vont du monnayage républicain au monnayage provincial romain, de l’iconographie à la métrologie, de la terminologie numismatique à l’organisation de l’atelier, des études de coins aux bases de données, des techniques de fabrication jusqu’à la métallographie et à l’archéométrie. Car Bernhard Woytek se veut un numismate moderne, qui n’ignore rien des derniers développements de la discipline.
Enfin, depuis 2014, Bernhard a ajouté à sa palette une dimension historiographique et réflexive : il s’est en effet attelé à la publication de la correspondance de J. Eckhel, à qui il vient de consacrer un autre ouvrage collectif qui fera date, Ars Critica Numaria (Vienne, 2022).
Cette oeuvre si vaste ne doit pas faire oublier deux particularités remarquables dans le parcours de Bernhard, et d’abord sa dimension internationale.
B. Woytek, un savant international
Comme le savent tous ceux qui l’ont approché, Bernhard est un polyglotte accompli : féru de langues anciennes, et de langue maternelle allemande, Bernard parle aussi un excellent anglais au témoignage de nos collègues anglo-saxons ; beaucoup ici connaissent sa remarquable maîtrise du français, langue dont il aime particulièrement les redoutables subtilités ; et je vais trahir sans scrupule une confidence qu’il m’a faite un jour : Bernhard se sent plus à l’aise en italien qu’en français. Je vous laisse méditer sur cette information.
Ce goût pour les langues permet à Bernhard de se sentir partout chez lui et d’être partout le bienvenu. Il me plaît cependant de rappeler ici qu’il est non seulement francophone mais francophile. Les liens anciens qu’il entretient avec la Bibliothèque nationale de France par exemple, et notamment avec Michel Amandry, ont donné lieu à de nombreuses collaborations et à de nombreux séjours en France, et c’est aussi un honneur pour l’Université d’Orléans et pour le laboratoire IRAMAT qu’il ait accepté d’y être professeur invité en 2015, comme il l’avait été auparavant à New York, à Londres et à Oxford.
Ainsi, dans l’exercice de son métier, B. Woytek ne connaît pas de frontière. En cela il s’inscrit dans une longue tradition numismatique, ce dont il est pleinement conscient, et c’est le deuxième point que je voudrais souligner aujourd’hui.
B. Woytek et la tradition numismatique.
B. Woytek en effet est viennois. Il représente donc l’aboutissement d’une brillante lignée de savants autrichiens, qui ont illustré les études numismatiques d’une manière incomparable depuis plusieurs siècles. On pense bien sûr à Joseph Eckhel, mais aussi avant lui à Joseph Khell et encore avant à Erasmus Fröhlich, maîtres et fondateurs de la science des médailles, dont Bernhard contribue à perpétuer la mémoire. Mais ce serait réducteur de ne citer que ces grands anciens, malgré leur importance primordiale ; car Bernhard est aussi l’élève ou l’émule de numismates et d’historiens plus récents, comme Robert Göbl ou Gehrard Dobesch, qui ont eux aussi fait la gloire de l’Ecole de Vienne. Bernhard fait donc la preuve par l’exemple que l’on peut être un savant extrêmement moderne tout en cultivant avec piété l’héritage d’un long et prestigieux passé.
Le mot de piété n’est pas excessif je crois car le premier des grands livres de Bernhard, Arma et nummi, porte en épigraphe la célèbre formule attribuée à Bertrand de Chartres « nos esse quasi nanos gigantium humeris insidentes » : « nous sommes comme des nains assis sur des épaules de géants », une des plus élégantes façons de rappeler que, si nous voyons parfois plus loin et plus clairement que les anciens maîtres, c’est d’abord parce que nous profitons de ce qu’ils ont découvert et mis à notre disposition.
Du reste, dans cette filiation académique dont se réclame Bernhard se joue bien autre chose qu’une simple tradition ou qu’une simple manifestation de gratitude. Il y a également une revendication de méthode. Ce n’est pas seulement par souci d’exhaustivité que ses livres et ses articles comprennent des bibliographies si abondantes et qui remontent si loin : c’est par honnêteté intellectuelle et par conscience aussi que des informations décisives se trouvent encore dans les ouvrages anciens.
Ces quelques mots ne rendent pas justice au travail de Bernhard bien sûr ; mais j’espère avoir aidé les membres de notre société, en particulier les plus jeunes d’entre eux, à comprendre qu’en honorant Bernhard Woytek, nos anciens présidents ont voulu saluer un des citoyens les plus éminents de la moderne république des Médailles, cette belle communauté qui est une des incarnations les plus séduisantes de notre vieille Europe. »
La présidente a le plaisir de remettre le jeton de vermeil 2020 de la Société française de Numismatique à M. Michele Asolati. M. Michel Amandry dresse auparavant le portrait du récipiendaire :
« Né à Mestre, Michele Asolati a fait ses études à Padoue et a suivi un cursus universitaire classique sous la direction de son maître Giovanni Gorini (qui a reçu notre jeton en 1987). En 2005, il a été nommé chercheur universitaire en numismatique à l’Université de Padoue ; depuis 2014, il est professeur dans cette même université, où il organisé, en mars 2016, un congrès international portant sur les monnaies de Cyrène et de la Cyrénaïque à l’occasion duquel fut remis à Giovanni Gorini un très beau volume de mélanges Suadente nummo vetere. Studi in onore di Giovanni Gorini, 2016, qu’il a édité avec la collaboration de Bruno Callegher, Andrea Saccocci et Cristina Crisafulli, son épouse.
Dans une œuvre riche déjà de plus de 200 titres, Cyrène et la Cyrénaïque représentent une part importante de ces contributions. Dans Cirene « Atene d’Africa » (2006), volume édité par Mario Luni (1945-2014) et publié à l’occasion du 500e anniversaire de l’Université d’Urbino et du 50e anniversaire des fouilles à Cyrène menées par l’Université d’Urbino, qui reçut le prix Ambatielos de l’AIBL en 2007, un court article intitulé ‘La documentazione numismatica a Cirene’ (p. 181-186) annonce des œuvres majeures : Nummi Aenei Cyrenaici. Struttura e cronologia della monetazione bronzea cirenaica di età greca e romana (325 A.C.-180 D.C.) (2011) et Cirene e la Cirenaica in età greca e romana . Le monete. I. I ripostigli (2018). Un des trésors publiés dans ce volume, celui de Bengasi 1939 avait du reste fait l’objet d’un article dans la Revue Numismatique 2014.
Michele Asolati a obtenu son diplôme de ‘laurea in Lettere’ en 1993 en travaillant sur les trouvailles monétaires de la province méridionale de la Vénétie. Dans la collection Ritrovamenti monetali di età romana nel Veneto, dirigée par G. Gorini, dont 15 volumes sont publiés à ce jour, il a publié, avec Cristina Crisafulli, les volumes VI/3, Chioggia en 1993, VI/2, Altino II en 1994, VI/1, Altino I en 1999, et, depuis, bien d’autres trésors et monnaies de sites.
Mais son expertise va au-delà de l’Antiquité classique. En publiant en 2005 Il tesoro di Falerii Novi, il a renouvelé notre connaissance du monnayage de bronze à l’époque de Ricimer (457-472 apr. J.-C.).
Je terminerai en évoquant sa participation à l’édition du Journal d’Antoine Galland (1646-1715), orientaliste, antiquaire du roi et académicien ou, récemment, sa participation, avec Cristina Crisafulli, aux fouilles de Kom al-Ahmer dans le delta du Nil.
C’est donc une œuvre déjà très importante et qui va s’enrichir encore, puisque Michele n’a que 55 ans. A ces qualités de chercheur, il faut bien entendu ajouter celles de l’homme, affable et disponible. »
M. Michel Amandry annonce que, au nom du conseil des trois anciens présidents de la SFN, Mme Helen Wang du British Museum, a été désignée comme récipiendaire du jeton de vermeil 2019 de la Société française de Numismatique. M. François Thierry prononce l’éloge de la récipiendaire.
Mme Catherine Grandjean, Présidente de la SFN, remettant le jeton de vermeil à Mme Helen Wang
Quand Michel Amandry m’a demandé
de présenter Helen Wang lors de la séance de la SFN au cours de laquelle lui
serait remis le jeton de vermeil, j’ai été doublement heureux, d’abord que soit
honoré quelqu’un qui a consacré sa vie professionnelle à la numismatique
d’Extrême-Orient et ensuite que cette personne soit Helen Wang.
Helen Wang commence en 1983 des
études de chinois à la prestigieuse School
of Oriental and African Studies (SOAS)
de Londres et – dans le cadre de ce cursus – elle part un an en Chine à
l’Université des Langues et des Cultures de Pékin (Beijing Yuyan Xueyuan) en 1984-1985. Durant son séjour en Chine,
elle parcourt le pays de long en large, selon les libertés que lui laissent ses
études. Elle visite alors un très grand nombre de sites et de musées, dans les
grandes villes comme dans les provinces, car, elle ignorait si l’occasion se
représenterait… C’est à Taiwan, lors des fêtes du Nouvel An, qu’elle tombe sur
une édition pirate taiwanaise (c’était alors une spécialité de Taiwan) d’un
ouvrage d’Aurel Stein, le savant britannique qui, au début du XXe
siècle, en concurrence avec Pelliot et Von Lecocq, découvre les sites et les
civilisations anciennes du Turkestan chinois. Cette lecture la marque
profondément et elle est atteinte du virus de la Route de la Soie. Revenue à
Pékin, elle part seule vers l’ouest, en train et en bus, et s’en va jusqu’à
Kachgar, au fin fond du Xinjiang. À cette époque, aller à Kachgar, c’était une
véritable expédition, il n’y avait pas les lignes de chemins de fer, les routes
et les autoroutes dont la Chine a couvert son territoire depuis vingt ans, pas
de TGV ni de bus climatisés, pas d’infrastructures touristiques. Aller à
Kachgar, c’était manger de la poussière des jours entiers, dormir où on le
pouvait et avaler la nourriture rustique de régions encore très pauvres. Elle
visite Jiayuguan, Dunhuang, Tourfan, Koutcha, Kashghar et bien d’autres sites
sur la Route de la Soie, avec un goût de trop peu, car, à cette époque encore,
de nombreux sites sont oubliés, fermés ou interdits aux étrangers. Mais c’est
un voyage éblouissant, à une époque particulière dont ceux qui ont connu la
Chine des années 1980 ont la nostalgie. L’Asie centrale allait devenir son
champ d’études.
De retour à Londres, elle obtient
en 1988 sa licence de chinois à la School
of Oriental and African Studies (SOAS).
En 1991, Joe Cribb, alors conservateur des monnaies orientales au Coins &
Medals Department du British Museum, est en quête d’un assistant alors
qu’elle-même cherche un travail ; et justement, Helen espère travailler
dans un musée. On lui confie la responsabilité des monnaies d’Extrême-Orient,
Joe Cribb orientant plutôt ses recherches et ses travaux sur l’Asie centrale
kouchane et sur l’Inde du Nord. Au départ, ce poste était prévu pour trois ans,
et Helen y est toujours. En 1993, elle devient officiellement Conservateur (Curator) pour les monnaies de l’Asie
orientale.
Helen a travaillé, étudié et
augmenté les collections dont elle avait la charge : deux travaux majeurs
doivent être mentionnés, le Metallurgical
Analysis of Chinese Coins in the British Museum en
2005[1],
et le catalogue des monnaies japonaises Catalogue of the Japanese Coin Collection (pre-Meiji) at the
British Museum with special reference to Kutsuki Masatsuna en
2010[2]. On
lui doit – entre autres – plusieurs études importantes, sur les monnaies et
signes de reconnaissance des sociétés secrètes chinoises au XIXe
siècle[3], sur
les billets de la fin des Qing de la région de Shanghaï[4], sur
les jetons monétaires de la région de Changzhou au Jiangsu dans les années 30[5].
Elle participe également intensivement à la rédaction des Survey bibliographiques publiés par la Commission Internationale à
chaque congrès international de numismatique. Aux frontières de la
numismatique, elle a également publié en 2008, un ouvrage de référence sur les
badges maoïstes de la Révolution culturelle à partir des collections du British Museum, Chairman Mao Badges, Symbols and
Slogans of the Cultural Revolution[6].
Helen anime également un
blog consacré à la monnaie chinoise : China
Money Maters.
À côté de son travail de
conservatrice, elle mène une féconde carrière de chercheuse et de savante, dans
le domaine qui l’avait fascinée dans les années 80. Elle passe sa thèse en 2002
sur le thème « Money
on the Silk Road: the evidence from Eastern Central Asia to c. AD 800 »,
qui fut publiée, avec le catalogue des monnaies de la collection d’Aurel Stein, sous le
même titre à la British Museum Press[7].
Ce travail est l’aboutissement d’une longue et patiente recherche sur la
collection du British Museum, dans les archives de Stein, sur ses publications,
et une minutieuse et systématique étude des documents chinois, khotanais,
karoshthi ou tokhariens rapportés par ce savant et par certains de ses
contemporains, ainsi que sur les rappports de fouilles chinois. Elle nous a
ainsi fourni des éléments souvent méconnus, voire inconnus, concernant
l’histoire monétaire et économique de l’Asie centrale chinoise. J’ai, pour ma
part, abondamment puisé dans cette somme… Dans la continuité de ce travail,
Helen a édité en 2003, avec Valérie Hansen, un numéro spécial du Journal of the Royal Asiatic Society,
consacré aux Textiles as Money on the
Silk Road[8]. Dans cette publication
indispensable pour qui s’intéresse à la monnaie, outre la rédaction de
l’introduction et d’un savant papier, elle a traduit plusieurs travaux de
savants chinois du plus haut intérêt.
Car c’est là une autre des facettes d’Helen, celui de
traductrice. Je ne veux pas parler ici des traductions de français en anglais
qu’elle a faites de plusieurs de mes travaux, car Helen est parfaitement
francophone, comme vous allez le constater avec la communication qu’elle va
vous présenter, mais d’un important travail de traduction de chinois en
anglais. Helen est une traductrice de littérature pour la jeunesse très
appréciée, je citerai simplement les traductions de deux livres bien connus en
Chine, Bronze et Tournesol de Cao
Wenxuan et Chacal et Loup de Shen
Shixi, des traductions qui lui ont valu des prix aussi bien au Royaume Uni
qu’en Chine populaire.
Pour finir, je dois dire qu’Helen
et moi avons été, dans nos fonctions, des contemporains, puisque je suis entré
comme conservateur au Cabinet des Médailles en 1989 et elle au Department of
Coins and Medals en 1991. C’était une époque que les moins de vingt ans ne
peuvent pas connaître, où l’on se rencontrait, où l’on se téléphonait en cas
d’urgence, où l’on s’écrivait des lettres sur du papier, où l’on demandait des
photos, qui entre la prise de vue, le tirage et l’expédition, nous parvenaient
des semaines après, une époque de vraies relations humaines, sans like et sans followers. Ce fut toujours, jusqu’à mon départ, un réel plaisir de
travailler avec Helen, je n’insisterai pas sur ce que je lui dois, sur ce que
le Cabinet des Médailles lui doit, sur sa disponibilité, sur ses conseils
toujours avisés, ses corrections toujours pertinentes et justifiées, son aide
et aussi sur sa gentillesse qui en faisait une collègue bien agréable dans les
colloques et congrès.
Helen Wang (汪海嵐)
est Curator of East Asian Money,
elle est membre de la Royal Numismatic Society depuis 1990, en devient
secrétaire en 2011 et vice-présidente depuis 2018, membre honoraire du comité
éditorial de la revue Zhongguo qianbi
中國錢幣. J’ajouterai qu’Helen est
également la dernière spécialiste d’Extrême-Orient encore en poste dans une
institution numismatique en Occident… Prenez soin d’elle.
François Thierry
Mme
Wang remercie la SFN et prononce (en français) une communication
intitulée « Chinese Numismatics in the West ».
Remise du jeton de vermeil 2019 à
Mme Helen Wang.
De g. à dr., Mmes et
MM. François Thierry, Helen Wang, Catherine Grandjean, Michel Amandry et Jean-Pierre
Garnier.
[1] Wang Helen, Cowell Michael, Cribb Joe et Bowman
Sheridan, Metallurgical Analysis of
Chinese Coins in the British Museum, Reasearch Publication no 152,
Londres, British Museum Press, 2005.
[2] Sakuraki
Shin’ichi, Wang Helen et Kornicki Peter, Catalogue of the
Japanese Coin Collection (pre-Meiji) at the British Museum with special
reference to Kutsuki Masatsuna, Londres, British Museum Press, 2010.
[3] Wang Helen, « Coins and Membership Token of the
Heaven and Earth Society », NC,
154, 1994, 167-190.
[4] Wang Helen, « Late Qing paper money from
Dianshizhai and other printing houses in Shanghai, 1905-1912 », dans Hewitt Virginia (éd.), The Banker’s Art, Studies in paper money,
Londres, British Museum Press 1995, 94-117
[5] Wang Helen, « Local bronze tokens issued in
Jiangsu, China, in the 1930s », NC
1997, 157-177, pl. XXX-XXXIV
[6] Wang Helen, Chairman
Mao Badges, Symbols and Slogans of the Cultural Revolution, Londres,
British Museum Press, 2008
[7] Wang Helen, Money
on the Silk Road, The Evidence from Eastern Central Asia to c. AD 800,
including a catalogue of the coins collected by Sir Aurel Stein, Londres,
British Museum Press, 2004.
[8] Hansen Valerie et Wang
Helen, Textiles as Money on the Silk Road,
Special Issue of the Journal of the Royal
Asiatic Society, Third Series, vol. 23, issue 2 (Avril 2013).
Le Jeton de vermeil 2018 de la SFN a été remis samedi 1er décembre 2018 lors de la séance ordinaire de la SFN à Monsieur Kevin Butcher, professeur au Departement of Classics and Ancient History à l’Université de Warwick (Royaume-Uni), par M. Michel Amandry, ancien président de la SFN.
Après des études secondaires à Hereford dans sa ville natale, dans l’ouest de l’Angleterre, non loin du pays de Galles, K. Butcher a poursuivi ses études universitaires à Bristol, puis à Londres, University College, où il a soutenu son PhD en 1991 dont le sujet était le monnayage de la Syrie romaine (Coinage in Roman Syria, publié par la Royal Numismatic Society en 2004).
Son parcours professionnel l’a mené de Cambridge à l’American University de Beyrout (1995-2007). Depuis 2007, il est professeur au dept of Classics and Ancient History à l’Université de Warwick.
Ses champs de recherche en numismatique portent évidemment sur le monnayage du Proche Orient romain, mais également sur l’économie romaine, la sociologie de la monnaie et la technologie de la production monétaire.
D’une bibliographie déjà longue, outre le volume sur le monnayage de Syrie déjà mentionné, il convient de mentionner un petit livre publié en 1988 Roman Provincial Coins : an introduction to the Greek Imperials, dans lequel K. Butcher montrait qu’il ne fallait plus considérer ce que l’on appelait alors les impériales grecques comme un avatar dégénéré du monnayage grec, mais bien un composant important du numéraire romain.
Butcher a également livré un livre impressionnant de près de 800 pages publié en 2014 en collaboration avec Matthew Ponting, The Metallurgy of Roman Silver Coinage. From the reform of Nero to the reform of Trajan dans lequel ont été analysées par ICP-AES des centaines de deniers ainsi que le monnayage provincial d’argent émis en Asie, Syrie et Egypte. On attend avec impatience la suite de cette saga qui devrait compter deux autres volumes.
La SFN ne peut que s’honorer de compter désormais K. Butcher parmi les récipiendaires de son jeton de vermeil.
M. Butcher remercie la SFN et prononce une communication sur les monnaies de fouilles d’Assour
Le Jeton de vermeil 2017 de la SFN a été remis samedi 4 novembre 2017 lors de la séance ordinaire de la SFN à Monsieur Jens Christian Moesgaard, du Cabinet des Médailles du Musée National de Copenhague (Danemark), par M. Marc Bompaire, vice-président de la SFN.
Après un discours dans lequel a été retracé la carrière du récipiendaire, M. Marc Bompaire remet officiellement le « jeton de vermeil 2016 » de la SFN à M. Jens Christian Moesgaard, « le plus français des numismates danois ». Ce dernier a en effet commencé sa carrière par une maîtrise soutenue en 1992 sur un sujet français : « La politique monétaire des rois lancastriens en Haute-Normandie de 1417/19 à 1449/50. Une étude de la circulation monétaire ». Il a été responsable du médaillier de Rouen (Musées départementaux de la Seine-Maritime), de 1992 à 1995, puis en 1996 chargé d’étude pour des monnaies de fouilles à l’AFAN > INRAP et au Centre de Recherches archéologiques de Haute-Normandie, avant d’intégrer le Cabinet des médailles de Copenhague au Musée National du Danemark en 1997. Il y occupe depuis 2001 les fonctions de Museumsinspektør /seniorforsker (conservateur / chercheur confirmé). Ses travaux ont notamment porté sur les monnayages danois du Xe s. avec son livre de 2016 : King Harold’s Cross coinage. Christian coins for the merchants of Haithabu and the king’s soldiers. On peut, en France, insister sur l’attention qu’il a portée aux monnayages de Normandie et de France du nord d’époque carolingienne et post-carolingienne. M. Moesgaard, qui siège au comité de lecture de la RN, est aussi membre de la SFN, ce qui n’est pas si fréquent parmi les récipiendaires du jeton de vermeil
M. Moesgaard remercie la SFN.
M. Moesgaard prononce ensuite une communication portant sur l’importance et l’intérêt des monnaies de fouilles.
Le Jeton de vermeil 2016 de la SFN a été remis samedi 5 novembre 2016 lors de la séance ordinaire de la SFN à Monsieur Joahn van Heesch, directeur du Cabinet des Médailles de la Bibliothèque royale de Belgique et président de la Société royale de Numismatique de Belgique (SRNB), par M. Georges Gautier, ancien président de la SFN.
M. van Heesch remercie la SFN, puis prononce sa communication.
Le Jeton de vermeil 2015 de la SFN a été remis samedi 6 février 2016 lors de la séance ordinaire de la SFN à Monsieur Peter Ilisch, de l’université de Münster (Allemagne), par M. Marc Bompaire, vice-président de la SFN.
Après un discours dans lequel a été retracé la carrière du récipiendaire, M. Marc Bompaire remet officiellement le « jeton de vermeil 2015 » de la SFN à M. Peter Ilisch. Ce dernier a fait des études d’histoire à l’université de Münster et a travaillé sous la direction de M. Peter Berghaus. Il s’est notamment intéressé aux trouvailles monétaires dans le Land de Westphalie. Il a enseigné la numismatique à l’université de Münster et a reçu de multiples distinctions en Allemagne, aux Pays-Bas et en Pologne. M. Bompaire évoque quelques-uns de ses travaux, notamment ceux portant sur les gros tournois de Saint-Louis et leurs imitations, sur le monnayage des Pays-Bas, etc. Il rappelle qu’en 2012, à l’occasion de son 65ème anniversaire, M. Ilisch a été honoré d’un recueil de Mélanges intitulé « Nummi docent ! Münzen – Schätze – Funde : Festschrift für Peter Ilisch zum 65. Geburstag am 28. April 2012 ».
M. Ilisch remercie chaleureusement M. Bompaire et la SFN. Il présente deux publications, l’une sur la Flandre française, l’autre sur les trouvailles monétaires en Pologne de Byzance au XIIe siècle, qu’il offre à la SFN.
M. Ilisch, francophone, a ensuite fait une communication portant sur les monnaies du Saint-Empire romain germanique.