Jeton de vermeil 2023 – M. Abdelhamid Fenina

M. Abdelhamid Fenina reçoit le jeton de vermeil 2023. Antony Hostein prononce l’éloge du récipiendaire.

« Je voudrais commencer par dire publiquement, devant les membres ici réunis de notre vénérable assemblée, tout le plaisir que j’ai à brosser le portrait de mon collègue et ami Abdelhamid Fenina, récipiendaire du jeton de Vermeil 2023 de la Société française de Numismatique.

Abdelhamid Fenina est un numismate bien connu des spécialistes des monnayages arabo-musulmans. Après des études en Tunisie et en France, à l’université de Tunis, à l’EPHE et Paris IV-Sorbonne où il a soutenu en 1994 un doctorat en archéologie islamique sous la direction de Janine Sourdel-Thomine, il a fait carrière dans un seul établissement académique, à l’université de Tunis-Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis, plus connue sous le nom de Faculté du 9 Avril, où il a été élu successivement assistant, maître assistant, maître de conférences et professeur. C’est là qu’il occupe aujourd’hui la fonction –particulièrement lourde et chronophage– de doyen de la Faculté des Sciences Humaines et Sociales. Professeur et enseignant chevronné, Abdelhamid Fenina a fait école en assurant inlassablement la promotion de la discipline numismatique au sein de son université et au-delà, comme on peut en juger par les nombreux étudiant(e)s qui ont réalisé sous sa direction un mémoire de master ou une thèse dans ce domaine.

Parmi les nombreux travaux et articles qu’il a publiés depuis les années 1990, on mentionnera en premier lieu la monographie tirée de sa thèse, Les monnaies de la Régence de Tunis sous les H’usaynides. Études de numismatique et d’histoire monétaire (1705-1891), parue à Tunis en 2003. L’autre opus magnum auquel Abdelhamid Fenina a participé de manière active, en assurant avec Ali Khiri la coordination de plusieurs volumes, est l’édition du catalogue des monnaies de la collection de la Banque Centrale de Tunisie, intitulé pour le second tome : Numismatique et histoire de la monnaie en Tunisie. II, Monnaies islamiques (éd. Banque Centrale de Tunisie, Tunis, 2007) et pour le troisième tome : Numismatique et histoire de la monnaie en Tunisie. III, La monnaie contemporaine (éd. Banque Centrale de Tunisie, Tunis, 2008). L’entreprise avait mobilisé une importante équipe de chercheurs tunisiens et français, dont plusieurs membres éminents de la SFN, le premier tome étant réalisé en collaboration avec Jacques Alexandropoulos, Michel Amandry, Claude Brenot et Cécile Morrisson. On rappellera que ces trois volumes font de la collection numismatique de la Banque Centrale de Tunisie la première – et la seule pour l’heure – du Maghreb à avoir été entièrement inventoriée et publiée.

À côté de ces œuvres de longue haleine, la bibliographie d’Abdelhamid Fenina compte de nombreuses références en français et en arabe, publiées dans des revues réputées et de premier plan (Antiquités Africaines, Revue Numismatique, Arabica, Der Islam, CR INC) et davantage encore dans des actes de colloques internationaux édités au Maghreb ou en Europe. On notera au passage qu’outre ses publications propres, il s’est investi régulièrement dans l’édition académique, par de multiples expertises et surtout par la direction éditoriale des Cahiers de Tunisie assumée entre 2011 et 2017. C’est à l’occasion de séjours réguliers en France qu’il a tissé des relations fortes de part et d‘autre de la Méditerranée avec deux institutions au premier chef – Paris-Sorbonne et l’EPHE où il a suivi les enseignements dispensés par Janine Sourdel-Thomine, Ludvik Kalus, Georges Le Rider, Michel Terrasse, etc. – ainsi qu’avec des collègues dont plusieurs membres de la SFN : Cécile Morrisson, Michel Amandry, Marc Bompaire, François Thierry, Osmund Bopearachchi, Jean-Michel Mouton, Cécile Bresc, Pascal Buresi et moi-même.

Abdelhamid Fenina est très investi dans des projets tunisiens ayant trait au patrimoine et aux musées : il a activement participé à la création du Musée de la monnaie de la Banque Centrale de Tunisie, inauguré en novembre 2008, et il a pris part très tôt à des projets de collaboration internationales, notamment dans le domaine de l’archéologie – on pense ici à sa participation entre 1994 et 2010 comme expert numismate du chantier de fouilles de Fusṭāṭ dirigé par Roland-Pierre Gayraud dans le cadre de l’Institut Français d’Archéologie Orientale (IFAO). Il a aussi travaillé sur les monnaies islamiques conservées dans de nombreux Cabinets des médailles à travers l’Europe – Paris bien sûr, mais aussi Marseille et Londres.

La réputation internationale d’Abdelhamid Fenina se lit également à travers plusieurs honneurs et titres reçus entre 2007 et 2019 :  il a été nommé chercheur invité à l’INHA en 2007, puis, en 2019, Professeur invité à l’EPHE dans le cadre d’un programme Erasmus. Last but not least, toujours au titre des honneurs qui lui ont été rendus, il convient de rappeler que le tome II de l’ouvrage : Numismatique et histoire de la monnaie en Tunisie. Monnaies islamiques, Tunis, 2007 a été couronné en 2010 du Prix Drouin de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres.

Avec le jeton de Vermeil, c’est donc une nouvelle marque de reconnaissance qui lui est accordée. Ce jeton honore, pour la première fois de l’histoire de notre société, un savant originaire d’un pays du Maghreb. Ce n’est pas la moindre des choses et nous formulons le vœu que, plutôt que de clore un cycle de liens engagés il y a quarante ans entre numismates français et tunisiens, ce prix en inaugure un nouveau, tout aussi fructueux tant sur le plan humain que scientifique. »