Décès de Michael Metcalf (1933-2018)

Après Philip Grierson, John Kent, Michael Hendy et Peter Spufford, un autre grand numismate et historien de la monnaie vient de nous quitter, emporté par un accident cardiaque le 25 octobre, quatre mois après le décès de son épouse Dorothy. Il a été enterré à Leyburn dans cette région nord du Yorkshire qu’il aimait et où il s’était retiré après avoir quitté en 1998 la direction du Cabinet d’Oxford, le Heberden Coin Room de l’Ashmolean Museum qu’il assurait depuis 1982. Il y avait été recruté comme conservateur par Humphrey Sutherland en 1963, après avoir dû occuper un poste dans l’administration quatre ans après sa sortie de l’université. Il avait étudié la géographie à Cambridge et y soutint une thèse dirigée par Philip Grierson sur la circulation monétaire dans les Balkans de 820 à 1355, dans une perspective novatrice qui considérait dans leur cadre géographique l’ensemble des monnayages divers qui s’y côtoyaient. Elle fut publiée en 1965, donna lieu à une seconde édition largement augmentée en 1979 qui reste la référence et une nouvelle édition est parue à Athènes en 2016[1]. Son intérêt pour la numismatique remontait à l’enfance, comme il le racontait lui-même en recevant la médaille de la Royal Numismatic Society en 1987[2]. Il avait commencé par une collection de pennies de la Reine Victoria et de ses successeurs et l’édition d’un petit journal numismatique à usage familial dénommé The Curator mais était vite passé à des études plus sérieuses si bien qu’il reçut pour un travail sur le monnayage du nord des Balkans aux xiie et xiiie s. le prix Parkes Weber, réservé on le sait, à des jeunes numismates de moins de 30 ans, il en avait 22 et fut élu fellow de la RNS deux ans après en 1957.

Sa production est si vaste (243 articles et 23 livres)  que je ne peux l’évoquer toute ici : elle touche aussi bien la numismatique byzantine, que celle de l’Orient latin ou de l’Angleterre saxonne (ses trois volumes sur les thrymsas et sceattas font autorité)[3]. Il fut un pionnier de l’usage des histogrammes de trouvailles monétaires pour l’étude de sites ou de régions[4] et de l’application des études de coins à la quantification des émissions byzantines et anglo-saxonne (les deniers d’Offa notamment), objet de vives critiques de Grierson[5] et de Michael Hendy mais l’archéologie lui a depuis donné raison. Il joua un rôle décisif dans la promotion des méthodes d’analyse en lançant à la suite du colloque fondateur de Londres de 1970[6] la grande série des Metallurgy in Numismatics. Dans le volume 2, il avait eu l’élégance de saluer les deux premiers Cahiers Ernest-Babelon comme « a sister-publication to Metallurgy in Numismatics »[7].

Les reconnaissances de son apport scientifique considérable ne lui manquèrent pas : dès 1983 la John Sanford Saltus (Gold) Medal de la British numismatic society, la médaille de la

RNS en 1987, la Huntington medal de l’ANS en 1991. La SFN n’avait pas attendu si longtemps et avait la première couronné son talent et son engagement au service de la cause numismatique en lui décernant le jeton de vermeil dès 1979 et ce en présence de Grierson qui donnait alors une série de cours au Collège de France. Grierson avait pour ainsi dire enterré la hache de guerre puisqu’il ne mentionna pas la controverse sur l’importance des émissions d’Offa dans le Medieval European Coinage en 1986.

 Il avait donné à la Revue numismatique cinq articles entre 1976 et 2006 dont le dernier en date, tribut au livre testament de Jean Lafaurie (et J. Pilet-Lemière) sur les Monnaies du haut Moyen Âge découvertes en France, étudiait à la lumière de cette documentation les schémas de diffusion des monnaies des principaux ateliers[8]. Il avait prononcé plusieurs communications en français à la Société[9] et participé à la Table Ronde de mai 1994 sur les monnayages chypriotes[10]. Chypre était devenue un sujet majeur de sa recherche à partir du tournant du siècle. Il s’y rendait plusieurs mois par an au printemps et avait écrit plusieurs gros volumes sur la numismatique et même la sigillographie de l’île au Moyen Âge[11].

Ce grand savant était particulièrement dévoué dans tous ses engagements : éditeur de la Numismatic Chronicle de 1974 à 1984, président de la RNS de 1985 à 1989, éditeur ou organisateur de nombreuses rencontres scientifiques dont les Oxford symposia on Coinage and Monetary History, mentor attentif de plusieurs étudiants, dont Vasso Penna, prématurément décédée et Eleni Lianta. Ses amis déplorent la disparition d’un collègue dont la science s’alliait à une grande droiture et de hautes qualités morales. La Société s’associe au deuil de ses enfants et à la peine que ressentent ceux qui travaillèrent avec lui et lui succédèrent à l’Ashmolean Museum.

[1] Coinage in the Balkans 820-1355, Thessalonique, 1965; Coinage in South-Eastern Europe 820-1396, Londres, RNS Special Publication, no 11, 1979 ; Coinage in South-Eastern Europe 820-1396 : With a new Introductory Essay, and a Supplementary Bibliography, Athènes, 2016. Ce travail de pionnier fut suivi de nombreuses autres monographies et articles sur le monnayage byzantin : réforme d’Anastase, monnayage de bronze de Thessalonique sous Justinien, folles de Michel II, Théophile et Basile I, classification des staména du xiie s. trouvés en Serbie du Sud, monnayage des ixe et xe siècles, hyperpères d’Alexis Ier etc.

[2] NC 1977, Proceedings, p. xvii-xix.

[3] Thrymsas and Sceattas in the Ashmolean Museum, Londres-Oxford, RNS Special Publication 27A-C, 3 vol. 1993-1994.

[4] The Currency of Byzantine Coins in Syrmia and Slavonia, Hamburger Beiträge sur Numismatik, 12/13, 1958-1959, p. 59-64.

[5] D.M. Metcalf, English monetary history in the time of Offa: a reply, NCirc 1963, p, 165-167; Evidence relating to die-output in  the time of Offa, NCirc 1964, p. 23 ; P. Grierson, Mint output in the time of Offa, NCirc, 71, 1963, p. 114-115 ; Some aspects of the coinage of Offa, NCirc, 71, 1963, p. 223-225 ; Variations in die output, NCirc, 76, 1968, p. 298-299. La polémique rebondit au Congrès international des Études byzantines à Oxford et fut bien relatée dans un article du Times du 16 septembre 1966 qui relate les excuses présentées par Grierson mais aussi le maintien de son scepticisme sur les excès possibles de la quantification.

[6] Methods of chemical and metallurgical investigation of ancient coinages, Londres, RNS Special Publication, no 8, 1970.

[7] Opposite Number, Metallurgy in Numismatics 2, p. 127-128

[8] Une trouvaille de la fin du XIIIe siècle, provenant de Bretagne, RN Ser. 6, 18 (1976) p. 171-185 ;

The gros grand and the gros petit of Hugh IV of Cyprus, RN Ser. 6, vol. 27 (1985) p. 130-175 ; avec Cathy E. King et J.P. Northover, Copper-based alloys of the fifth century. A comparison of Carthage under Vandalic rule, with other mints , RN Ser. 6, vol. 34 (1992) p. 54-76 ; avec J. Belaubre, The early coinage of Bohémond III of Antioch (1149-1201) reconsidered, RN 150 (1995), p. 133-148 ; Monetary circulation in Merovingian Gaul, 561-674. A propos Cahiers Emest Babelon, 8, 162 (2006) p. 337-394.

[9] La traversée de la Manche (VIIIe-IXe siècles), BSFN 34/5, 1979, 511-513

[10] Le monnayage de Pierre II et la prise de Famagouste par les Gênois, BSFN 49/5, 1994, p. 825-830.

The white bezants and deniers of Cyprus (Corpus of Lusignan coinage 1 =Texts and studies of the history of Cyprus 29) ; The silver coinage of Cyprus, 1285-1382 (Corpus of Lusignan Coinage 2 =  Texts and studies 21) ; The gros, sixains, and cartzias of Cyprus : 1382-1489 (Corpus of Lusignan coinage 3 =Texts and studies 35) Nicosie 2000 ; Byzantine Lead Seals from Cyprus (en coll. avec j.-C. Cheynet et A. Pitsillides), Nicosie 2004 (Texts and studies of the history of Cyprus 47); Byzantine Cyprus : 491-1191, Nicosie, 2009 (Texts and studies… 62).

Cécile Morrisson